Dossier documentaire et son corrigé
Document 1. La mondialisation selon l’économiste Charles-Albert Michalet : un phénomène multidimensionnel
Qu’est-ce que la mondialisation ? De façon étonnante, compte tenu de la profusion des discours et des écrits, la réponse à la question n’est jamais vraiment donnée. Ou plutôt, les partisans comme les adversaires de la mondialisation partagent confusément la même référence implicite : le paradigme de l’économie internationale traditionnelle. Ce dernier, pourtant, étroitement cantonné à l’analyse du commerce entre les pays, ne couvre qu’une dimension du phénomène de la mondialisation (…) La mondialisation est un phénomène économique complexe. Complexe, car il est multidimensionnel. Complexe parce que ses différentes dimensions fonctionnent simultanément dans des relations d’interdépendance (…) La mondialisation englobe, à la fois, la dimension des échanges de biens et services, la dimension des investissements directs à l’étranger et la dimension de la circulation des capitaux financiers. La dimension des échanges est celle des flux d’exportation et d’importation entre les pays. Ils sont enregistrés dans les transactions courantes de la balance des paiements. La dimension productive repose sur les investissements directs à l’étranger (IDE). Ils sont effectués par les firmes et sont les vecteurs de l’expansion multinationale de leurs activités. Ils entraînent la mobilité des activités de production des biens et des services, souvent désignée comme la délocalisation de la production. Les IDE sont enregistrés dans la balance des capitaux à côté des mouvements de capitaux longs correspondant à des investissements de portefeuille (ou financiers). La mobilité des capitaux financiers constitue la troisième dimension de la mondialisation. Il ne faut surtout pas confondre les investissements directs et les investissements de portefeuille. Ces derniers ont pour finalité la rentabilité et non pas la gestion directe des sociétés dans lesquelles sont prises des participations. Ils sont volatils, leurs déplacements obéissant aux variations anticipées des rendements sur les différentes places. Réduire l’analyse de la mondialisation à la seule sphère du commerce international est un choix insoutenable. C’est pourtant encore aujourd’hui celui qui domine, aussi bien dans la littérature économique que dans les articles de journaux, les rapports officiels ou les discours politiques (…) Définir la mondialisation comme l’intensification des échanges qui accroît l’intégration des nations est devenu un lieu commun, entre autres dans les analyses produites par les institutions internationales (OMC, FMI, Banque Mondiale). Cette interprétation parait très insuffisante. Partielle, elle oublie les deux autres dimensions de la mondialisation, qui sont complémentaires des échanges. C’est précisément cette interdépendance multidimensionnelle qui permet de comprendre l’originalité de l’intégration actuelle des économies nationales dans l’économie mondiale.
Charles-Albert Michalet, Qu’est-ce que la mondialisation ?, La Découverte, 2004.
Questions.
Document 2. Un processus ancien : une brève histoire de la mondialisation économique
A. La première mondialisation. Les années 90 sont nouvelles par rapport aux années 60, mais nombre des caractéristiques contemporaines ont déjà été observées, par exemple à la veille de la Première Guerre mondiale. Dès le XVIème siècle en effet, l’extension du commerce affecte les tendances de la production sur un espace de plus en plus large qui ne concerne plus seulement l’Angleterre, mais aussi ses colonies et le reste de l’Europe. Fernand Braudel a magistralement montré comment un capitalisme commercial prend un nouvel essor lorsqu’il parvient à articuler, grâce au commerce au long cours, des espaces nationaux marqués par de fortes inégalités de dotation et de prix. L’internationalisation est donc constitutive du capitalisme, de sorte que les années 90 ne sont pas à cet égard une nouveauté absolue (…) Les historiens économiques ont montré que, dès le milieu du siècle dernier, les conjonctures nationales devenaient interdépendantes, d’autant plus que les innovations en matière de transport redéployaient les avantages compétitifs des divers espaces (…) A la veille de la Première Guerre mondiale, ces tendances, qui se sont développées tout au long du siècle, conduisent à des relations internationales qui ne sont pas sans rappeler celles des années 90. Le commerce international des pays industrialisés rapporté à leur production atteignait 12,9% en 1913 ; il était tombé à 6,2% en 1938 pour augmenter ensuite continuellement jusqu’à 14,3% en 1993 (…) La multinationalisation de la production n’a pas été en reste puisque l’entreprise Ford installa ses premiers établissements à l’étranger dès 1913 en Grande- Bretagne et en 1916 au Canada, suivie par d’autres grandes firmes américaines. En un sens, l’essor contemporain de l’investissement direct à l’étranger ne fait que prolonger un mouvement quasi séculaire.
En 1913, le flux d’investissements directs rapportés au PIB des pays développés était de l’ordre de 3%, soit un taux voisin de celui observé lors du pic de 1990 : 4%.
R. Boyer, La mondialisation, au-delà des mythes, La Découverte, 2000.
B. La seconde mondialisation. La Première et la Seconde Guerre mondiale ont donné un coup d’arrêt brutal au commerce international. Entre 1913 et 1950, on assiste à une quasi-stagnation des échanges internationaux qui augmentent d’ailleurs moins vite que la production mondiale. Leur croissance annuelle moyenne est de 3% seulement. La baisse des échanges a commencé avec la Première Guerre mondiale et la crise de 1929. Pensant protéger leur économie, les pays européens mènent des politiques protectionnistes afin de limiter leurs importations. Et la mise en place de représailles va empêcher tout développement des échanges internationaux. La France adoptera un ensemble de mesures protectionnistes, en particulier pour décourager les importations de produits agricoles sous la forme de quotas. La Grande-Bretagne, quant à elle, augmentera ses droits de douane jusqu’à 100% en adoptant une loi nommée « British emergency Act » en 1931. Le protectionnisme engendre le déclin de l’Europe occidentale dans les échanges mondiaux. Elle ne présente plus que 35% du commerce mondial en 1948, contre 50% en 1900 et 70% en 1850. D’ailleurs, le commerce intra-européen passe lui-même de 40% du commerce mondial en 1913 à 30% en 1940. Et cela au profit des Etats-Unis qui réalisent, à cette même date, 22% du commerce mondial. Ce n’est que durant les années 1950 que les échanges ont repris pour se développer deux fois plus vite que la production nationale. Ce sera la Seconde mondialisation. En valeur nominale, les exportations de marchandises ont été multipliées par 157 entre 1948 et 2004, passant de 58 à 9153 milliards de dollars. Les pays sont devenus très ouverts. Le coefficient d’ouverture mesuré par le ratio des exportations et du PIB a crû, comme le coefficient de dépendance qui mesure le poids des importations en pourcentage du PIB. Chacune des nations qui participe aux échanges devient de plus en plus dépendante du reste du monde. Cette dépendance sera qualifiée de processus d’intégration lors de la seconde phase de la deuxième mondialisation (1973 à nos jours). Les déclencheurs de cette deuxième mondialisation ont été pour la « première mondialisation » le progrès technologique et la baisse du prix du coût de transport. Le développement des nouvelles techniques de production et de logistique organisée en réseau a permis d’accroître la production et de faciliter le déplacement des marchandises. De 1960 à 2000, le coût des transports maritimes a été divisé par près de quatre et celui des communications téléphoniques de 64. Les baisses de droits de douanes et la régionalisation ont également participé à l’accélération des échanges et à l’intégration des économies.
M. Lemoine, P. Madiès, T. Madiès, Les grandes questions d’économie et de finance internationales (2ème édition), De Boeck, mai 2012.
Questions.
Document 3. Coût des transports et des communications en dollars constants de 1990
Document 4. Evolution de l’ouverture des économies depuis 1970 (Exportations + importations/PIB).
Questions.
Document 5. La théorie des avantages comparatifs : la mondialisation engendre des gains mutuels
A. Très longtemps on a cru qu’un pays ne pouvait exporter vers ses voisins que les produits pour lesquels il détenait un avantage absolu. Selon ce principe, l’Argentine exporterait du blé, la Thaïlande du riz, l’Egypte du coton, et l’Italie du vin ; de façon plus actuelle, le Mexique exporterait des pièces d’automobiles tandis que les Etats-Unis exporteraient les plans de conception et de réalisation de ces pièces. La loi des avantages absolus signifie en même temps qu’un pays moins avancé qu’un autre dans tous les domaines n’aurait aucun intérêt à commercer : le plus fort s’emparerait du marché du plus faible sans rien importer en retour. Au XIXème siècle, l’économiste David Ricardo a démontré que le commerce peut être avantageux pour tous les pays, quel que soit le niveau de leur productivité. Il suffit que chaque pays se spécialise dans un secteur où il est relativement mieux placé que dans un autre secteur, face à ses partenaires extérieurs. Si les Etats-Unis étaient deux fois plus productifs que le Mexique dans la fabrication des pièces d’automobiles et trois fois plus productif dans la conception de ces pièces, on pourrait affirmer que les Etats-Unis détiennent un avantage absolu sur le Mexique dans les deux domaines. Pourtant les Etats-Unis ne devraient-ils pas se spécialiser dans la conception et abandonner la fabrication à leur partenaire extérieur ? D’ailleurs, tout bien considéré, le coût d’option de la fabrication est plus bas au Mexique qu’aux Etats-Unis : le Mexique a un avantage comparatif dans ce domaine. En fait, tous les pays détiennent des avantages comparatifs, et tous ont donc théoriquement intérêt à commercer ensemble.
Renaud Bouret, Alain Dumas, Economie globale, ERPI, 2009.
B. La théorie des avantages comparatifs de David Ricardo
Pourquoi accepter de payer cent francs ce qu’on pourrait avoir pour soixante ? C’est au nom de cette logique irréfutable qu’A. Smith s’élevait en 1776 contre les restrictions aux importations. Elémentaire, non ? Pas tant que cela car une vingtaine d’années plus tard D. Ricardo voit le défaut du raisonnement. Imaginons un pays dans lequel toutes les branches productives sont moins efficaces que celles des pays étrangers. Au nom du principe de Smith, faudra-t-il les fermer toutes, acheter à l’extérieur et voir les emplois déserter ? Pour Ricardo, ce ne sont pas les comparaisons de coût absolus mais celle de coûts relatifs qui doivent déterminer la spécialisation. Il met en scène deux pays : le Portugal et l’Angleterre. Il se trouve que le Portugal est plus avantagé sur tous les plans : quand il faut à l’Angleterre 100 journées de travail pour produire une certaine quantité de drap, 90 suffisent au Portugal. Et ce dernier n’a besoin que de 80 journées pour produire une quantité déterminée de vin, alors qu’il faut 120 jours en Angleterre. Si on suit la théorie d’Adam Smith, l’Angleterre ne produira plus ni vin ni drap. Pas du tout écrit Ricardo : « bien que le Portugal pût fabriquer le drap en employant 90 hommes, il l’importera d’un pays où cette production requiert le travail de 100 hommes parce qu’il est plus avantageux pour lui d’employer son capital à produire un vin contre lequel il obtiendra davantage de drap anglais que s’il fabriquait ce drap en détournant une part de son capital de la culture de vignes vers la manufacture de draps ». Que chacun se spécialise donc dans le domaine où il est relativement le plus doué. Tout le monde en profitera car alors le résultat final sera une production plus forte puisque chacun emploiera ses ressources là où il est le plus efficace. Comme en se spécialisant selon les avantages comparatifs tout le monde gagne, le libre-échange est toujours préférable au protectionnisme qui constitue un gâchis de ressources.
Marc Montoussé, Les théories du commerce international, IDP.
Questions.
C. Le rôle des dotations initiales factorielles : le « théorème H.O.S »
Les économistes suédois Ohlin, Heckscher créent en 1933 le théorème qui sera complété par les travaux de l’américain Samuelson pour devenir le théorème H-O-S. Selon eux les différentes nations sont amenées à exporter des produits qui incorporent une forte quantité de facteur de production qu’elles détiennent en abondance et à importer les produits incorporant une forte quantité du facteur de production dont elles sont peu dotées. L’abondance relative d’un facteur dépend de deux critères : un critère physique (quantité de facteur) et un critère économique (le coût du facteur). Cette approche peut être considérée comme un approfondissement de celle de Ricardo, car ce dernier limitait son explication à un seul facteur de production : le travail. Le théorème
Marc Montoussé, Les théories du commerce international, IDP.
Questions :
Document 6. Les gains cumulatifs du commerce international.
La nouvelle théorie de l’économie internationale considère que les gains du commerce sont cumulatifs : l’ouverture internationale entraîne des avantages comparatifs qui permettent une plus grande ouverture et ainsi de suite…L’échange procure trois types d’avantages : un effet de dimension, un effet de diversification, et un effet de concurrence.
-L’ouverture internationale crée un avantage comparatif car elle permet la spécialisation et engendre donc un effet de dimension : chaque nation peut produire en plus grande quantités certains produits, ce qui offre des avantages comme les économies d’échelle (l’entreprise réduit ses coûts unitaires en produisant davantage) ou les effets d’apprentissage.
- Le deuxième avantage est l’effet de diversification. L’économiste Paul Krugman considère que, grâce à l’ouverture, le consommateur peut choisir entre un nombre plus important de produits pour satisfaire un même besoin. Cette diversité de produits disponibles profite non seulement aux consommateurs, mais aussi aux producteurs, qui auront un choix supplémentaire en biens de production.
- Le troisième avantage est l’effet de concurrence. L’ouverture internationale permet à de nouvelles entreprises d’entrer sur les marchés nationaux, ce qui accentue la concurrence ; les prix et le niveau de production deviennent donc plus efficients car plus proches de ceux qui résulteraient d’un équilibre de marché.
Marc Montoussé, Théories économiques, Bréal, 2002.
Question.
- En s’appuyant sur le texte, réaliser un schéma de synthèse pour montrer les gains du commerce international et de l’ouverture.
Document 7. Les limites du libre-échange : destructions d’emplois et inégalités salariales.
Le raisonnement qui fait de la mondialisation, et plus précisément de la concurrence du Sud, la responsable de la montée des inégalités peut être résumé comme suit : l’essor des importations en provenance des pays à bas salaires, même si elles pèsent d’un poids encore très limité dans les échanges des pays développés, exerce une concurrence forte sur un certain nombre de secteurs, tels que la confection, le jouet ou la chaussure. Dans un contexte où les possibilités de délocalisations d’activités se multiplient (saisie de manuscrits dans l’édition au Maroc ou au Liban, recrutement par la Lufthansa des ses hôtesses en Asie pour les lignes desservant la région, saisie informatique au Philippines et traitement des données en Inde, etc.), que peut-on faire sinon s’ajuster, pour reprendre le vocabulaire des économistes ?
Face à des travailleurs chinois dont les salaires sont vingt à cinquante fois inférieurs, les salariés travaillant dans les secteurs mis en concurrence auraient donc pour seule alternative de réduire leurs prétentions ou de tomber dans le chômage. Et comme il n’est pas question pour eux d’accepter des salaires trente fois inférieurs là où ils vivent, leurs entreprises ferment ou délocalisent. Le chômage des travailleurs les moins qualifiés, ceux qui sont précisément en concurrence sur le marché international de la main-d’œuvre, tend donc à s’accroître, ce qui entraîne sous l’effet de la loi de l’offre et de la demande, une baisse du prix relatif de cette catégorie de travail par rapport au travail qualifié, qui lui, demeure fortement demandé.
Doit-il en résulter mécaniquement une baisse du prix relatif de la main-d’œuvre la moins qualifiée dans nos pays ? Pas nécessairement, car ce ne sont pas seulement des individus qui sont en concurrence sur le marché mondial, mais aussi des entreprises et au-delà des nations. Mais le niveau des salaires dépend aussi de règles collectives au-delà du jeu du marché.
Philippe Frémeaux, Sortir du piège, La Gauche face à la mondialisation, Syros, 1998.
Questions :
Document 8. Les arguments en faveur du protectionnisme.
Pascal Salin recense, pour les critiquer, sept arguments en faveur du protectionnisme :
-L’argument des industries dans l’enfance qui critique le caractère statistique de la théorie du libre-échange, accusée de privilégier les avantages comparatifs actuels aux dépens des avantages potentiels. Une absence immédiate de rentabilité n’empêche en rien les progrès futurs de compétitivité ;
- Les activités nationales « prioritaires » : du fait, par exemple, des retombées technologiques éventuelles d’une innovation réalisée par des entreprises nationales ;
- La protection contre le dumping effectué par certains producteurs étrangers qui est à l’origine d’une concurrence déloyale dont pâtissent les producteurs locaux ;
- L’équilibre de la balance des paiements qui exige également de se prémunir d’importations trop nombreuses ;
- La défense de l’emploi associée à la réduction des importations et leur remplacement par une production nationale. Le protectionnisme évite de subir la « concurrence déloyale » des pays à bas salaires et à faible protection sociale ;
- L’obtention de recettes fiscales lorsque le système des impôts locaux demeure embryonnaire ;
- Les représailles qui correspondent à des droits de douane qu’un pays impose aux importations parce que d’autres s’opposent à ses propres exportations ;
- Avec les crises récentes, d’autres arguments ont vu le jour :
- La nécessaire protection des industries vieillissantes qui ont besoin d’être restructurées et mises à l’abri d’une concurrence frontale pour ne pas disparaître définitivement ;
- La réduction des échanges qui contribue à freiner le gaspillage des ressources énergétiques et atténue les désastres écologiques.
Pascal Salin, Le libre-échange, collection « Que-sais-je », PUF, 2002.
Question.
- Classez dans un tableau les arguments protectionnistes qui visent à améliorer la production nationale et ceux qui cherchent à réduire les déséquilibres économiques.
Document 9. Les effets contrastés du protectionnisme.
La démarche exige d’abord de préciser le champ et la nature du protectionnisme souhaité. Doit-il s’appliquer aux frontières du pays ou de l’Union européenne ? Dans le second cas, comment et avec quelles justifications, traiter le cas de la Suisse ou de la Norvège ? Hormis le Front national, la majorité des défenseurs du protectionnisme défendent une approche européenne. Le repli national apparaît de fait peu crédible, alors que plus du tiers des salariés de notre industrie travaille dans des entreprises contrôlées par des actionnaires étrangers, que notre pays est une des premières destinations mondiales de capitaux extérieurs et que nous importons chaque trimestre plus de 100 milliards d’euros de produits. Il s’agit ensuite de préciser le niveau de protectionnisme qui serait mis en place car ce n’est pas une question binaire –tout ou rien- mais de dosage. Au niveau européen, pas moins de 10 000 tarifs allant de 0% à 210% s’appliquent aux biens et services importés. Si les biens de consommation sont globalement peu taxés (1% en moyenne), les taux s’élèvent dans le domaine agricole à 10% (par exemple 50 à 100% pour viandes). Face à l’image répandue d’une Europe passoire dans les échanges mondiaux, rappelons par exemple que l’importation des bicyclettes fabriquées en Chine est soumise depuis 1993 à des taxes anti-dumping de 48,5% (…) La réalité économique est finalement celle d’une omniprésence de mesures protectionnistes avec des intensités très variables que d’un abstrait libre-échange pur. Il faut enfin souligner que les échanges commerciaux dont on parle sont très majoritairement réalisés à l’intérieur de l’Europe (60% des exportations et importations françaises en 2010). Si le déficit commercial français avec l’Asie a augmenté de 50% entre 2005 et 2010, il a été multiplié par trois avec le reste de l’Union européenne ! Cela signifie qu’une protection européenne commune ne traiterait dans notre pays qu’un tiers du commerce international et des enjeux associés en termes d’emplois, de délocalisations ou de compétitivité. Le champ et les données pertinentes clarifiées, il convient alors de procéder à une analyse économique de l’outil protectionniste. L’approche classique d’une politique publique consiste à évaluer le rapport entre bénéfices et coûts ainsi que la répartition des deux, c’est-à-dire les gagnants et les perdants. Les effets positifs avancés du protectionnisme sont la relance de la demande intérieure et la hausse des revenus salariés, avec l’argument que le libre-échange pousse à des prix plus bas, conduisant à une stagnation ou une baisse des salaires dans les entreprises domestiques pour rester compétitives et finalement une contraction de la demande. Le lien salaire-demande se trouve donc au cœur du raisonnement (…) Les effets négatifs du protectionnisme sont principalement les mesures de rétorsion des pays exportateurs qui subiraient ces taxes. Certains considèrent que l’effet sera limité car les pays émergents ont besoin de biens et équipements produits en Europe (machines, TGV, avions, centrales nucléaires…) et n’auront pas le choix. Cette hypothèse semble fragile car la caractéristique inédite de plusieurs pays émergents à bas salaires (Chine, Inde) est leur niveau technologique et leur capacité à déployer rapidement des offres alternatives (sans parler du rôle particulier que joue la Russie à l’intérieur des deux ensembles). La décision de la Chine de faire émerger un concurrent au duopole Airbus-Boeing dans l’aéronautique civile en est une bonne illustration. Mais le problème va au-delà des échanges de biens. Une autre face de la globalisation est la capacité d’accéder à l’épargne du monde entier, ce dont la France sait d’ailleurs tirer profit pour financer le déficit commercial et les investissements à l’étranger. Or l’épargne qui s’investit massivement en Europe a pour origine dans une large mesure les pays émergents. Il semble logique d’anticiper qu’un protectionnisme trop brutal conduirait rapidement à se priver de cet important levier pour nos économies. Rappelons aussi que les groupes du CAC 40, s’ils emploient encore les deux tiers de leurs effectifs en France, réalisent la majorité de leur chiffre d’affaires et l’essentiel de leurs profits à l’étranger et constituent avec leurs salariés autant de cibles potentielles de rétorsion. Enfin, les consommateurs qui ont privilégié ces années passées les biens à bas prix, pour lesquels les productions européennes n’offrent que des substituts imparfaits, accepteront-ils, même si leurs salaires devaient augmenter, les inévitables hausses de prix ?
Gilles Le Blanc, Economie et politique, Le grand malentendu, Ellipses, 2011.
Questions.
Document 10. Les dix premières multinationales non financières du monde en 2010.
Questions.
Document 11. Répartition régionale des entrées et sorties d’IDE 1980-2010.
Questions.
Document 12. Le commerce intra-firme chez Boeing.
Questions.
Document 13. Modularisation de la production et mondialisation.
La production ressemble maintenant beaucoup à un jeu de Lego. Les mêmes pièces peuvent être utilisées dans différents schémas pour produire différentes formes. Les innombrables manières d’organiser une entreprise sont le fruit des nouvelles technologies numériques grâce auxquelles les ressources, les organisations et les marchés de
consommation du monde entier peuvent être combinés de mille et une façons pour construire des entreprises qui n’étaient même pas imaginables dans les années 1990. Cette approche modulaire permet aujourd’hui aux chefs d’entreprise de faire leur choix parmi toute une gamme de possibilités de réorganisation et de délocalisation. Grâce à la modularisation, on peut fragmenter le système de production et le répartir aux quatre coins de la planète (…)
Prenons l’exemple d’un succès comme l’iPod d’Apple (…) Les éléments essentiels de l’iPod sont un minuscule disque dur Toshiba, un lecteur de disquette Nidec, un processeur ARM, une carte Texas instruments, une interface USB de chez Cypress et une mémoire flash de Sharp. L’assemblage final est assuré par Inventec, fabricant taiwanais.
S. Berger, Made in monde, Seuil, 2006.
Questions.
Document 14. Qu’est-ce que la compétitivité ?
A. La compétitivité est le produit du croisement de variables macroéconomiques, microéconomiques et institutionnelles, ces dernières incluant le rôle du gouvernement, le cadre réglementaire et la gouvernance. Cette relation a été formalisée avec plus ou moins de succès par plusieurs économistes. Michael Porter, de Harvard Business School, par exemple, s’est fait connaître avec son graphique en diamant, qui reprend quatre éléments de la compétitivité :
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-Les conditions des facteurs de production (ressources naturelles, technologie, capital humain, etc.) ;
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-Les conditions de la demande nationale et internationale.
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-Les structures industrielles et l’efficacité des réseaux ;
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-La stratégie de l’entreprise, l’organisation institutionnelle et la concurrence pour investir dans l’innovation.
La fluidité et la cohérence des relations entre ces quatre éléments, couplées au rôle du gouvernement, vont déterminer la compétitivité internationale du pays. En effet, le gouvernement joue un rôle important en fournissant un environnement incitatif (stabilité politique et cadre réglementaire) mais, selon Porter, ce n’est pas tant le pays qui est compétitif que ses entreprises. Elles doivent affronter la concurrence internationale sur des marchés souvent éloignés, volatiles et très compétitifs, et ce sont leurs forces internes qui, in fine, font la différence pour gagner des contrats et des parts de marché. L’intérêt de la formalisation de Porter est triple : d’abord elle relativise l’importance du cadre de l’avantage comparatif, puisqu’un pays ne peut compter sur son avantage comparatif comme une « donnée » qu’il peut exploiter telle une rente. Ensuite elle met l’accent sur les conditions microéconomiques de la compétitivité et relègue le rôle du gouvernement à une condition certes nécessaire mais nullement suffisante (…) Enfin ce schéma met en exergue l’importance des relations dynamiques entre ces facteurs qui se renforcent mutuellement. Cependant ce diamant qui fit la fortune de son concepteur demeure limité dans son pouvoir éclairant : il laisse dans l’ombre le rôle de la gouvernance et de la culture managériale et n’intègre pas la stratégie de financement de l’entreprise.
Michel Henry Bouchet, La globalisation, introduction à l’économie du nouveau monde, Pearson, 2005.
B. Importance des facteurs déterminant la compétitivité sur les marchés étrangers.
Champ : entreprises industrielles exportatrices de 20 salariés ou plus. Source : Insee, CNCCEF, enquête compétitivité, 2008.
L’enquête sur la compétitivité de « l’entreprise France » et des entreprises françaises dans la mondialisation a été menée en collaboration avec le Comité National des Conseillers du Commerce Extérieur de la France (CNCCEF).
Elle a été réalisée en février 2008 auprès de 4 000 entreprises industrielles de 20 salariés ou plus, correspondant à l’échantillon de l’enquête mensuelle de conjoncture dans l’industrie.
Les données recueillies ont par la suite fait l’objet d’une méthode de redressement tenant compte du secteur d’activité, de l’effectif, du chiffre d’affaires et de la part des entreprises exportatrices, de manière à ce que les résultats publiés soient représentatifs de l’ensemble des entreprises de 20 salariés ou plus de l'industrie manufacturière et agroalimentaire.
Questions.
Document 15. Les facteurs territoriaux de la compétitivité.
Le territoire est un atout, un socle sur lequel se construisent les compétitivités. La mobilité croissante des facteurs de production a des conséquences paradoxales : d’un côté, les entreprises semblent d’autant plus libres de localiser leurs unités de production au gré des avantages particuliers des territoires ; d’un autre côté elles ont des stratégies de différenciation qui les conduisent à tirer parti des avantages compétitifs de leurs lieux d’implantation. Ce ne sont plus les atouts décrits par les théories traditionnelles des avantages comparatifs : distribution des facteurs de production (matières premières, énergies) ; c’est de plus en plus le fruit d’une construction volontaire qui vise à développer des facteurs humains (les qualités individuelles et collectives), matériels (infrastructures de communication et de télécommunications) et cognitifs (recherche-développement). Cette construction repose sur des investissements et des politiques à moyen- long terme.
A. Fouquet, F. Lemaître, Démystifier la mondialisation de l’économie, Les Editions d’Organisation, 1997.
Questions :
Corrigé
Document 1.
Questions.
Document 2.
Questions.
Document 4.
Questions.
Document 5.
Questions.
Document 6.
Questions :
Document 8.
Classez dans un tableau les arguments protectionnistes qui visent à améliorer la production nationale et ceux qui cherchent à réduire les déséquilibres économiques.
Document 9.
Questions.
Document 10.
Questions.
Document 11.
Questions.
Document 12.
Questions.
Document 13.
Questions.
Document 14.
Questions.
Document 15.
Questions :