Notion

G7

"Les mouvements du dollar dans les années quatre-vingt ont été pour la macroéconomie ouverte ce que la Grande Dépression a été pour la macroéconomie, un gigantesque phénomène déconcertant et largement inexpliqué"

Rudiger Dornbush, 1989

Définition

Le G7 est une instance de concertation au niveau des chefs d'Etat des sept principaux pays développés du monde. C'est à l'initiative de la France que la première réunion a eu lieu à Rambouillet, en 1975. Structure de concertation et non de décision, le G5, devenu ensuite G7 puis G8, avait pour objet de promouvoir des réactions compatibles sinon conjointes dans les domaines du change et des politiques anticrise. Depuis, les thèmes des rencontres se sont considérablement diversifiés.

Ces rencontres ont été élargies des Chefs d'Etat aux Ministres des Affaires étrangères et aux Ministres des Finances (deux rencontres par an respectivement). D'autres ministères ont pu être concernés (Justice, Environnement, Emploi et Affaires sociales…)

Analyse

Origines et évolutions

Le G7 est le successeur du G5. Le Groupe des 5 avait été créé en 1975 sur l'initiative du président français Valéry Giscard d'Estaing afin de permettre aux cinq pays les plus industrialisés (États-unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni et France) de se réunir de façon informelle pour traiter des questions relatives à l'économie mondiale dans le contexte d'une double crise, l'agonie du système de Bretton Woods depuis 1971 (fin à la convertibilité en or décidée par R. Nixon) et le choc pétrolier de 1973. De nombreuses personnalités de l'époque réclament l'organisation d'une sorte de "cartel des pays importateurs de pétrole", afin de coordonner les discussions avec une OPEP dont on vient tout juste de découvrir le poids prépondérant. D'autres militent pour une gestion coordonnée des taux de change.

Comme le G5, le G7 n'est pas une organisation en soi et ne possède pas de structures propres ; il s'agit uniquement d'une réunion de dirigeants dans une ambiance (officiellement) décontractée. Il existe cependant une présidence tournante, assurée par un pays membre. Le succès a été immédiat : efficacité d'une structure informelle, forte visibilité médiatique, légitimité démocratique (contrairement à l'ONU ou au FMI, tous les pays membres sont des démocraties respectueuses des droits de l'homme). L'Italie et le Canada sont venu se greffer rapidement au club initial : vexé de ne pas avoir été convié, le dirigeant italien (Aldo Moro) s'est invité dès le premier sommet, à Rambouillet, et l'équilibre du groupe étant par conséquent beaucoup trop européen aux yeux des Américains ces derniers ont imposé la présence du Canada.

A crise mondiale, solution mondiale : les réactions désordonnées aux crises de change et aux chocs pétroliers risquaient de ruiner l'efficacité des politiques économiques nationales. Les réunions du G7 ont d'abord eu pour objet d'organiser un minimum de coordination des politiques économiques à court terme des pays participants. Par la suite, le champ d'application des réflexions du G7 s'est progressivement élargi pour intégrer des problématiques sociales ou de développement. Au fil du temps, les déclarations clôturant chaque sommet se sont élargies. De la stabilité des taux de change entre les monnaies, elles ont progressivement intégré des réflexions sur les rapports Est-Ouest, le terrorisme, le Sida, le Golfe, etc.

En se transformant, le G7 (devenu G8 avec l'intégration de la Russie en 1996) n'échappe pas à la critique qui pèse sur toutes les organisations internationales. La critique de gauche y voit un "Directoire des pays riches", critiqué jusque dans la rue depuis le sommet de Gênes (2001) ; celle de droite s'inquiète qu'il n'en sorte que de bonnes intentions.

Malgré ces critiques, la logique du directoire se déploie tous azimuts ces dernières années. Par exemple, le Groupe des 20 (G20) est un forum des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales ; il a été crée en septembre 1999 (en même temps que le Forum pour la stabilité financière et l'International and Monetary Financial Committee (IMFC) du FMI) comme un "nouveau mécanisme de dialogue informel dans le champs d'activité des institutions de Bretton Woods". Il inclut les pays du G8, la Chine, l'Australie, l'Inde et la Corée du Sud, l'UE (la Commission et le Conseil). Il ne doit pas être confondu avec un autre G20, celui impliqué dans les questions commerciales relatives à l'OMC et qui réunit des pays en développement (et aucun membre du G7).

Critiques et remises en causes

L'incapacité du G7 à prendre des décisions qui ne soient pas des déclarations de principe a donné lieu à des critiques. Mais c'est surtout dans son "core business", la gestion concertée des taux de change, que le G7 a failli entre 1985 et 1992. La coordination s'était principalement concrétisée par des accords tels que ceux du Plazza (septembre 1985, baisse concertée du dollar) et ceux du Louvre (février 1987, stabilisation des taux de change dans des zones de fluctuation). Avec des résultats très décevants :

  1. La gestion concertée n'a pas permis de réduire la volatilité des taux de change nominaux à court terme (1 à 3 mois). La volatilité s'est réduite entre 1987 et 1992 par rapport à 1980-1986, mais uniquement pour les fluctuations à 6 et 12 mois ; pour toutes les échéances, la volatilité des taux de changes de la période 1987-1992 diffère peu de la période 1973-1979.

  2. La stabilisation des taux de changes réels (ce sont surtout eux qui importent) a été imparfaite, notamment entre le dollar et le yen, et s'est effectuée autour de taux de changes qui ne peuvent pas être considérés comme des taux de changes réels d'équilibre "à la Williamson".

Rappelons qu'en 1983 l'économiste Williamson (relayé par Paul Krugman) avait prôné la mise en place d'un système de zones cibles reposant sur :

a. L'évaluation de taux de changes réels d'équilibre de long terme, compatibles avec un solde jugé soutenable de la balance des paiements courants

b. La mise en place de zones cibles pour les changes réels, constituées par des marges de fluctuation de plus ou moins 10% par rapport au taux d'équilibre précédemment calculé, et une réévaluation périodique de ce dernier (car des chocs réels peuvent le modifier)

c. Une gestion concertée des politiques macroéconomiques pour maintenir le taux de change réel à l'intérieur de la zone cible, et des interventions coordonnées des banques centrales en cas d'attaques spéculatives contre des devises soutenus par des fondamentaux cohérents avec la zone cible retenue

d. Les zones cibles doivent être médiatisées afin de donner des signaux clairs au marché ; l'idée est de pouvoir bénéficier d'un "effet lune de miel" : à l'approche des bandes de fluctuation, et à condition que les autorités soient crédibles, les opérateurs anticiperaient une réaction et viendraient eux-mêmes repositionner les cours au centre du "corridor".

La coordination des taux de change au sein du G7 n'a jamais correspondu à cette théorie des zones cibles : elle s'est attachée à la stabilisation des taux de changes nominaux (et non réels), qui ne présente aucun avantage et plusieurs inconvénients ; aucune évaluation des taux d'équilibre n'a été faite et aucune analyse de la soutenabilité des déséquilibres de balance des paiements n'a été effectuée ; enfin, les objectifs de changes ont été gardés secrets (pour ne pas porter atteinte à la crédibilité de la gestion concertée en cas d'échec… les autorités du G7 n'avaient pas une grande envie de défendre les bandes de fluctuation).

  1. La coordination a été inefficace car elle n'a fait que suivre les mouvements de marché qui se seraient produits de toute façon. A titre d'exemple, la baisse du dollar commence dès janvier 1985, soit 8 mois avant les accords du Plazza (septembre 1985) qui ne font qu'entériner une évolution de marché. Autrement dit, beaucoup de bruit pour rien ! Par ailleurs, les coûts de la coordination ont été élevés : la tentative d'enrayer la baisse du dollar après les accords du Louvre (février 1987) a probablement précipité le krach boursier (octobre de la même année) en engendrant des anticipations de hausse des taux d'intérêt. Selon Paul Krugman, la leçon des accords du Louvre est claire : "Let the dollar fall".

C'est sans doute riche de cette expérience que, à partir de 1992, le G8 renonce à la gestion concertée des changes, ce qui revient à l'acceptation implicite d'une flexibilité accrue.

Conclusion

Sur le plan strictement économique, le G7 n'a plus l'importance qu'il a eu dans les années 1980. Les déclarations de fin de sommet sont encore examinées de près par les opérateurs sur le marché des changes (et dans une moindre mesure sur le marché pétrolier) dans les périodes sensibles, mais elles ne sont pas aptes à impacter profondément et durablement sur les cours. Cela ne signifie pas que cette enceinte soit inutile : elle a permis aux responsables politiques de mieux se connaître, et elle a permis de préparer de nombreuses décisions prises par la suite dans les organisations internationales (FMI, Banque mondiale, OMC, OCDE…). C'est dans le cadre du G7 que sont évoqués des sujets comme la réduction de la dette des PVD, la lutte contre la criminalité financière internationale, la taxe Tobin et la taxe sur les billets d'avion, les programmes d'aide publique au développement (le NEPAD, en particulier, est en partie un produit du G7), etc. Mais qui trop embrasse mal étreint. Paul Martin (ministre des finances du Canada) déclarait : "There is virtually no major aspect of the global economy or international financial system that will be outside of the group's purview”. Quand on s'occupe (ou qu'on prétend s'occuper) de macroéconomie, de commerce international, de développement, d'énergie, de terrorisme, de drogue, d'autoroutes de l'information, de réchauffement climatique, de désarmement, de droits de l'homme et de "social"… il est peu probable que des rencontres périodiques, fut-ce au plus haut niveau, suffisent.

Annexes

Les sommets depuis 1980

Les limites de la coordination internationale selon Charles Wiplosz

Le monde de l'économie, Janvier 2003, extraits

- Comment expliquez l'absence quasi-totale du G-7 dans une crise qui concerne les trois grandes économies de la planète ?

Les grands pays n'ont pas grand chose en commun en ce moment. Depuis deux ans, les Etats-Unis ont mis en place des politiques de relance incroyablement énergiques. Les effets sont un peu décevants, c'est vrai, mais enfin c'est là que la reprise semble se dessiner. Le Japon est en berne depuis une dizaine d'années, avec une déflation chronique et pas de croissance. Tout le monde sait que le vrai problème est l'état désastreux de leur énorme système bancaire. Les taux d'intérêt zéro, en place depuis des années, n'ont aucun effet puisque les banques ont largement cessé de consentir du crédit. Les autorités se sont lancées dans une politique de déficits budgétaires astronomiques, et la dette publique a littéralement explosé. Les entreprises de travaux publics pavoisent, mais les consommateurs sont angoissés, à juste titre, devant l'accumulation de la dette publique. Quant à l'Europe, elle s'est prise les pieds dans le tapis des contraintes auto-flagellatrices adoptées au moment de la construction de l'union monétaire. La BCE se déclare plus intéressée par la croissance monétaire et l'inflation, pourtant historiquement basse, que par l'anémie économique et la remontée du chômage. Les gouvernements, eux, dissertent sur le Pacte de Stabilité – est-ce qu'un déficit de 3,1% est plus grave qu'un déficit de 2,9% ? (…) Alors que voulez-vous que se disent ces gens là ? Ils sont sur des planètes différentes.

- L'idée de coordination économique entre les grands pays industrialisés n'a-t-elle plus de sens dans un contexte marqué par une divergence croissante entre ces trois grands ensembles ?

La coordination économique entre grands blocs économiques n'a jamais eu beaucoup de sens. C'est le refrain habituel des réunions du G-7, mais parfaitement illusoire, sauf dans des circonstances tout à fait particulières. Chacun des trois grands blocs est relativement fermé, si bien que les bénéfices d'une coordination sont faibles. Les coûts sont considérables. Chaque gouvernement doit négocier son budget pied à pied avec son parlement et ses groupes de pression, et c'est déjà bien difficile. S'il devait en plus négocier sérieusement avec d'autres gouvernements, ce serait un casse-tête quasi insoluble. Alors ils en parlent, certes, mais n'en font rien. Et ils ont bien raison.

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