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Politique monétaire

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En matière de politique monétaire, l'union fait la force!

Lecture

Après la récession.... Inflation ou déflation ?

 

 

Définition

La politique monétaire englobe l'ensemble des moyens dont disposent les autorités monétaires pour agir sur l'activité économique par l'intermédiaire de la masse monétaire et des taux d'intérêt. Elle est antérieure à la création de banques centrales publiques. Alors que la politique budgétaire est soumise, dans les régimes démocratiques, à une approbation directe du Parlement via le vote du budget, la politique monétaire est le plus souvent exercée, de nos jours, par des banquiers centraux indépendants mais tenus de rendre des comptes.

Analyse

 

 

 

Le retour du contrôle monétaire

Le régime de l'étalon-or donnait à la banque centrale, privée le plus souvent, une obligation de maintenir la convertibilité-or des billets. Pour cela, elle utilisait normalement l'instrument des taux d'intérêt. Pour diverses raisons théoriques et pratiques, la monnaie n'est plus gagée sur l'or. La mise au point d'instruments de contrôle monétaire efficaces a été à l'origine de travaux importants mais la volonté politique de s'en servir ne s'est réellement manifestée qu'à partir de la Grande inflation des années 1970. Aux Etats-Unis, le grand tournant a lieu en 1979, avec la nomination de Paul Volcker à la tête de la Banque Fédérale de Réserve ou FED). Celui-ci ne tarde pas à mettre en place un contrôle des réserves non empruntées très proche du contrôle de la base monétaire préconisée par les monétaristes. Très rapidement, le Royaume-Uni et d'autres pays de l'OCDE s'engagent sur la même voie avec, il est vrai, des arrangements techniques très divers. Depuis 1983 environ, on peut considérer que l'inflation est sous contrôle dans la quasi-totalité des pays occidentaux. Néanmoins, le passage à un régime de basse inflation ne s'est pas fait sans mal car, sauf cas particuliers de la Bundesbank ou de la Banque de Suisse, la crédibilité des banques centrales, c'est-à-dire leur capacité a guider les anticipations des agents privés, était à l'époque très faible. Il a fallu frapper d'autant plus fort que la coordination avec la politique budgétaire était souvent très imparfaite. On parle ainsi, un peu abusivement, de "récession Volcker" en 1982 aux Etats-Unis.

Depuis 1999, la politique monétaire des douze pays membres de la zone euro est du ressort de la Banque centrale européenne (BCE). Les traités européens lui fixent comme objectif unique la stabilité des prix, entendue comme une inflation inférieure à 2 % par an pour l'ensemble de la zone ; c'est un point qui la différencie de la FED, qui doit à la fois veiller à la stabilité des prix et garantir un haut niveau de croissance et d'emploi (sans plus de précisions).

L'inscription dans l'analyse économique

Comme pour la politique budgétaire, on peut dire que l'on est passé de deux conceptions de la politique monétaire hier à une seule aujourd'hui.

1. La politique monétaire "keynésienne"

Pour les keynésiens, la politique monétaire est "fille de la politique budgétaire" puisque sa principale mission est d'accompagner cette dernière dans le réglage fin de la conjoncture dérivé de la grille de lecture IS-LM. Elle a également pour mission de corriger les déséquilibres extérieurs. La stabilité des prix n'est pas une priorité affichée (existence d'un arbitrage inflation-chômage à court-moyen terme issu des premières lectures de la courbe de Phillips).

2. La politique monétaire "monétariste"

Pour eux, le mal est l'inflation, et l'inflation étant toujours et partout un phénomène d'origine monétaire ; il convient de mesurer et de contrôler un agrégat monétaire, et de se tenir à un comportement prédéfini, prévisible.

Il existe aujourd'hui un large consensus entre les banquiers centraux et entre les économistes concernant les coûts de l'inflation et les avantages de la stabilité des prix. Par conséquent, les divergences ne portent plus sur le "pourquoi ?"de la maîtrise de l'inflation mais sur le "comment ?". De plus, les techniques utilisées pour gérer le "comment ?" tendent à se rapprocher. La FED et la BCE agissent donc dans un cadre largement partagé (voir l'étude de cas consacrée aux politiques monétaire aux Etats-Unis et en zone euro, disponible sur ce site) ; les solutions préconisées depuis les travaux de Kydland et Prescott (1977) ont trait aux règles et ne sont pas sans rappeler certaines préconisations monétaristes (l'obsession des agrégats de monnaie en moins).

On peut dire que les deux conceptions vues plus haut ont convergé vers une troisième qui avait été décrite des 1945 par Jacques Rueff dans L'Ordre social : la politique monétaire est un instrument efficace qui consiste à doser avec précision l'offre de monnaie pour répondre à la demande en évitant les écueils de l'inflation et de la déflation.

Pourquoi des règles ?

La politique monétaire est un jeu où les autorités ont intérêt à tricher dans la mesure où les canaux de transmission par lesquels la politique monétaire exerce son influence sur l'activité fonctionnent à partir d'un écart entre ce que les agents privés ont prévu et ce qui se passe vraiment (c'est-à-dire entre l'inflation anticipée et l'inflation constatée) : les "surprises"; avec les échéances électorales et les pressions politiques, on risque d'assister à une multiplication de surprises qui n'en seraient plus. Il existe donc un biais inflationniste et la solution consiste à agir sur les anticipations d'inflation par des règles, de se lier les mains, de sanctuariser la monnaie afin de résister aux tentations, par exemple, en accordant une large indépendance au banquier central (article 107 du Traité de l'Union européenne). Le problème c'est que, ce faisant, on ne se lie pas véritablement à une règle mais à l'agent de la règle car ce dernier dispose d'un pouvoir discrétionnaire. C'est une des raisons pour lesquelles Milton Friedman et la plupart des libéraux ont toujours exprimé une grande réticence à l'encontre de l'indépendance des banques centrales.

Les conditions d'efficacité

La politique monétaire est efficace si la demande de monnaie est peu élastique au taux d'intérêt et s'il existe une forte élasticité de l'investissement au taux d'intérêt. Si la demande de monnaie est très élastique au taux d'intérêt, une baisse de celui-ci se traduira par une hausse de la détention monétaire qui n'aura pas d'impact sur l'activité économique. Si les entreprises autofinancent leurs investissements, elles ne sont pas contraintes directement par une hausse des taux. D'autres canaux sont donc en jeu.

La politique monétaire est délicate à mettre en œuvre : une action par trop expansionniste peut se traduire par une perte de crédibilité auprès des marchés et par un relèvement des anticipations d'inflation, tandis qu'une action par trop restrictive sera accusée de brimer la croissance et l'emploi. Plus encore que la "dose" autant que le "timing" posent problème comme l'a maintes fois démontré Friedman : comme les autorités ont toujours une connaissance décalée des conditions réelles de l'économie (s'agissant du PIB, il faut attendre avril pour connaître les chiffres à peu près définitifs du dernier trimestre de l'année précédente ; c'est encore pire pour les pays hors de l'OCDE), et comme l'impulsion monétaire met du temps à se propager (on estime généralement qu'elle ne produit tous ses effets que 7 à 8 trimestres après le stimulus), le risque est grand de multiplier les erreurs de tirs. Une politique qui se veut contra-cyclique peut in fine s'avérer procyclique (c'est à dire qu'elle va amplifier les fluctuations économiques plutôt que les réduire) soit parce qu'une politique accommodante aura été décidée au moment où l'économie a déjà touché le fond et s'apprêtait à repartir d'elle-même soit parce qu'une politique restrictive aura été entreprise en haut du cycle à un moment où l'activité entamait toute seule le début d'une chute. Les choses se complexifient encore en union monétaire lorsque les cycles sont désynchronisés : une même politique monétaire décidée à Francfort peut être simultanément jugée laxiste (vue de Dublin) et exagérément restrictive (vue de Berlin).

D'ou l'importance de statistiques fines et le plus possible en temps réel, l'importance de la prévision économique et surtout d'une stratégie des petits pas qui s'appuie sur une communication bien rôdée avec les marchés.
 

Conclusion

La politique monétaire est soumise (rançon du succès ?) à un certain nombre de pressions et de défis : exigence démocratique de transparence et de responsabilité en échange de l'autonomie, émergence de nouveaux moyens de paiement, innovations financières… Des actions budgétaires et fiscales prévisibles, idéalement accompagnées de réformes structurelles adaptées, aideraient les banquiers centraux.

Chose curieuse : les trois dernières décennies ont vu fleurir des expériences de non-politiques monétaires (caisses d'émission, dollarisation intégrale ou partielle…) : comme si la fin du XXe siècle consacrait en la matière, pour certains pays en transition, un retour à l'absence de politique monétaire du XIXe (il a par exemple fallu attendre 1913 pour que la réserve fédérale américaine soit créée). Cela rejoint pour partie un certain nombre de courants théoriques qui ont conclu tantôt à l'inefficacité tantôt à la dangerosité de la politique monétaire. Mais, dans les grands pays, pour les grandes monnaies, la politique monétaire reste une grande affaire qui n'est placée qu'en apparence sur un mode de pilotage automatique, comme en témoigne par exemple la personnification de la politique monétaire américaine et son activisme.

L'exemple japonais d'erreurs et de fautes monétaires conduisant à une impasse globale de l'économie pendant plus d'une décennie permet de dégager quelques leçons assez sûres : ne pas injecter trop de liquidités lorsqu'une bulle boursière et immobilière évidente se constitue, chercher à la prévenir via la supervision bancaire, frapper vite et fort lorsqu elle éclate (la politique de l'autruche est la pire des politiques) quitte à sacrifier l'orthodoxie, tenir compte des questions de change et faire taire les dissensions avec les décideurs budgétaires, ne pas tuer le rebond dans l'œuf par des décisions abruptes, non anticipées, et enfin prendre garde à ne pas se laisser piéger par la contrainte de non-négativité des taux nominaux. Mais tout cela fait beaucoup et on se demande (De Grauwe, 2002) si le banquier central ne doit pas être tout autant artiste que scientifique ; raison de plus pour porter une grande attention au casting en la matière (Romer et Romer, 2003).

La politique monétaire vu par Ecodico

Sur le même sujet, vous pouvez consulter le transcript  de notre partenaire

A lire

Rapports

- Pour se repérer : en premier lieu, on pourra consulter, sur ce site, le dossier de politique monétaire, et les études de cas sur les politiques monétaires en zone euro et aux Etats-Unis. 

Puis des textes simples 

Blinder Alan (1998), Central Banking, Theory and Practice, MIT Press. En quelque sorte, les mémoires monétaires d'un théoricien néo-keynésien propulsé n°2 de la FED au milieu des années 1990. Déjà un classique. 

Burda et Wyplosz (2002),Macroéconomie, une perspective européenne, Paris, De Boeck. Le manuel de référence. 

Friedman Milton, Inflation et systèmes monétaires. Paris, Calmann-Lévy, Le livre le plus facilement accessible en français du maître monétariste. 

Lamotte Henri et Vincent Jean-Philippe (1993), La Nouvelle Macroéconomie classique, Paris, PUF, coll. "Que sais je ?", n° 2713. 

Mankiw Gregory (2001), “US Monetary Policy during the 1990s”, 2001, NBER Working Paper n°8471. Une synthèse très claire et résolument élogieuse de la politique monétaire américaine des années 1990. Tableaux très utiles. 

Quelques articles plus techniques 

De Grauwe Paul (2002), “Central Banking: Art or Science ? Lessons from the Fed and the ECB”,Internationale Finance, février, disponible surhttp://www.econ.kuleuven.ac.be

Friedman Benjamin (1999), "The Future of Monetary Policy: the Central Bank as an Army with Only a Signal Corps", Blackwell Publishers Ltd.. 

Kydland Finn et Prescott Edward (1977), "Rules rather than Discretion: the Time Inconsistency of Optimal Plans”, Journal of Political Economy, vol. 85, p.473-492. 

Romer Christina D. and Romer David H. (2003), “Choosing the Federal Reserve Chair: Lessons from History”, disponible surhttp://emlab.berkeley.edu

Enfin, un livre plus difficile à trouver et presque prophétique : 

Rueff Jacques (1945), L'Ordre social, Librairie de Médicis, Paris, réédité chez Plon en 1981. 

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