Notion

Pays les Moins Avancés (PMA)

" Les pays riches n'ont pas besoin des pays pauvres, ce qui est une mauvaise nouvelle pour les pays pauvres "
Paul Bairoch

Mythes et paradoxes de l'histoire économique , Paris, 1999

Définition

C'est une catégorie créée par l'ONU en 1971 à partir de trois types de critères :

 

  1. Un critère de niveau de vie : de faibles revenus par tête

Le PIB par habitant doit être inférieur à 800 dollars US, soit 30 à 40 fois moins que la norme dans les pays de l'OCDE ; une bonne dizaine de pays se situent en dessous de 200 dollars par habitant.

  1. Un critère "humain" : insuffisance des ressources humaines

 

 

 

L'ONU utilise ici un indice composite comprenant l'espérance de vie et le taux de scolarisation, sur le modèle de l'IDH défendu par le PNUD.

3. Un critère économique : le manque de diversification économique

Il s'agit ici d'un indice composite comprenant la part de l'industrie manufacturière dans l'économie et l'indice de concentration des exportations. Il sera peut-être bientôt remplacé par un indice de "vulnérabilité économique".

Un "PMA" se situe en dessous des trois seuils définis à partir de ces critères ; le dépassement d'un seul de ces trois seuils entraîne la sortie de la catégorie "PMA".

Les PMA bénéficient d'avantages en matière de réduction de la dette, d'ouverture au commerce international et d'aide publique au développement.

La liste des PMA est établie par le Conseil Economique et Social de l'ONU. Elle est révisée tous les trois ans ; le dernier classement date de juillet 2003. Le nombre de PMA est passé de 25 en 1971 à 49 en 2003. Mouvements récents : entrée du Sénégal en 2000, sortie probable des Maldives à court terme. Quelques curiosités, comme l'absence de la Bolivie ou de la Corée du Nord, mais répétons-le la liste des PMA n'est pas établie par des économistes mais par des représentants d'Etats souverains.

a. Asie (9) :

 

 

- Asie indochinoise : Birmanie, Laos, Cambodge,

- Asie du Sud : Népal, Bhoutan, Bangladesh, Iles Maldives

- Afghanistan, Yémen

b. Iles du Pacifique (5) : Kiribati, Salomon, Samoa, Tuvalu, Vanuatu

c. Caraïbes (1) : Haïti

d. Afrique (34) :

·- Pas les pays de l'Afrique du Nord (sauf la Mauritanie), pas les pays d'Afrique Australe (sauf le Mozambique, le Lesotho et Madagascar),

- Beaucoup des pays de l'Afrique subsaharienne (sauf le Kenya, le Cameroun et le Gabon).

 

Analyse

Globalement, la plupart des PMA sont des isolats, des pays qui ont eu très peu de contacts avec l'Occident : par exemple, certains n'ont pas véritablement connu la colonisation (Ethiopie, Liberia), d'autres l'ont connue mais pas au cours des deux derniers siècles (Haïti), d'autres l'ont connue mais à dose homéopathique compte tenu des faiblesses économiques et démographiques du colonisateur (par exemple, les colonies portugaises comme l'Angola et le Mozambique, ou le Congo belge), d'autres sont à ce point isolés géographiquement qu'on ne peut guère mettre leur sous-développement sur le compte d'influences extérieures (Népal, îles du Pacifiques…). Comme le notait Bairoch (1999), les puissances coloniales (France, Angleterre, Espagne…) ont toutes connu une croissance plus lente que les puissances non coloniales (Suisse, Etats-Unis, Scandinavie…). L'idée selon laquelle les pays riches se seraient grandement enrichis, et les pays grandement appauvris, du fait de l'exploitation des matières premières des pays pauvres est fausse (voir Cohen, 2004). Aujourd'hui encore, tous ces PMA sont non pas exploités mais à l'écart des flux de la globalisation ; leur drame ne réside pas dans un trop plein de mondialisation mais probablement au contraire dans un trop peu de mondialisation. Par exemple, en Afrique, les zones côtières concentrent l'essentiel des richesses car la croissance est bien plus forte là où le commerce est plus facile (voir Frankel et Romer, 1999).

C'est un fait que la plupart des gouvernements de ces pays portent une lourde responsabilité dans ce manque de connexion avec l'économie mondiale car on ne peut pas tout imputer aux facteurs géographiques : l'île Maurice partait avec au moins autant de handicaps que Madagascar dans la course au développement, or la première a décollé tandis que la seconde restait sur la ligne de départ. C'est également un fait que ces PMA disposent de ressources parfois considérables : le Gabon et la Birmanie ont un sous-sol très riche, les îles du Pacifique et le Cambodge pourraient être des paradis touristiques, etc. Là encore il faut incriminer les faiblesses politiques et institutionnelles pour expliquer que ces atouts ne soient pas convenablement utilisés.

- En premier lieu, il y a l'absence de droits de propriété étendus et garantis (voir Hernando de Soto, 2005), en lien avec le haut degré de corruption que l'on constate dans ces pays (voir le site de l'ONG Transparency International). Le manque d'ouverture et de respect de la règle de droit aboutissent à une infrastructure sociale faible , terreau idéal des occasions manquées (voir Hall et Jones, 1999).

- Ensuite, il y a la violence : guerres (Afrique des grands lacs, Ethiopie / Erythrée, Afghanistan…), et surtout guerres civiles (Angola, Rwanda, Népal, …) en lien avec le haut degré de fragmentation ethnique, économique et religieuse de ces pays (conflit du Biafra au Nigeria, conflit du Darfour au sud-Soudan…).

- Plus largement, les violences civiles endémiques créent un climat de méfiance (comment peut-on être entrepreneur à Haïti ? est-il raisonnable de placer le fruit de toute une vie de travail et d'épargne en monnaie locale dans une banque d'Etat malgache ?) et une trop grande préférence pour le présent qui nuisent à l'accumulation du capital mais aussi aux dépenses d'éducation et à l'innovation.

Au regard de ces facteurs fondamentaux, les autres obstacles au développement souvent cités dans la presse (les cyclones, la trop grande vitalité démographique, la fuite des cerveaux, les maladies, les théories de l'échange inégal et la détérioration des termes de l'échange, le manque d'APD…) apparaissent de peu de poids et/ou constituent davantage des effets que des causes. Il faut toutefois noter que des obstacles culturels (exploitation des femmes, héritages de l'esclavage, attitude face au travail, etc.) sont incontestablement à l'œuvre, en amont. Citons Cohen (1997) : "(…) l'Afrique est un continent ou la roue n'a pas encore été inventée. La roue exige en effet des routes, et il n'y en a guère en Afrique, puisque les femmes peuvent porter sur la tête les charges les plus lourdes".

 

 

 

 

Annexe : les PMA, une malédiction principalement africaine ?

Evolution du nombre de personnes vivant avec moins de 570 dollars par an
dans six régions du monde

 

 

 

 

 

 

Source : Xavier Sala-i-Martin (2002), disponible sur son site Internet sur www.columbia.edu/~xs23/

 

 

A lire

Bairoch Paul (1999), Mythes et paradoxes de l'histoire économique, Paris, La Découverte 

Cohen Daniel (1997), Richesse du monde, pauvreté des nations, Paris, Flammarion 

Cohen Daniel (2004), La mondialisation et ses ennemis, Paris, Hachette, coll. "Pluriel"

De Soto Hernando (2005), Le mystère du capital, Paris, Flammarion 

Frankel Jacob et David Romer (1999), "Does Trade Cause Growth ?",American Economic Review 

Hall Robert et Jones (1999), "Why do some Countries Produce so much more Output than Others", Quarterly Journal of Economics 

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