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Coût des récessions (Le)

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Définition

Si la croissance à long terme est un phénomène exogène (comme dans le modèle de Solow), lutter contre les cycles importe peu. Par contre, si le chemin de croissance de long terme dépend du tracé suivi à court terme, alors il importe d'éviter la récession ou d'en limiter l'ampleur, autant que faire se peut. Le coût des récessions concerne ainsi l'ensemble des pertes de bien-être de long terme engendrées par les fluctuations économiques.

 

Analyse

Qu'est-ce qu'une récession ?

Une récession est généralement définie par la baisse du PIB réel durant au moins deux trimestres consécutifs. La récession s'oppose à l'expansion et constitue avec cette dernière un cycle d'activité.

Taux de croissance annuel du PIB américain

(1962-2000)

Source : Exane (2002)

Lecture : Les zones hachurées en vert correspondent à des récessions.

Quelques coûts engendrés par une récession

La récession est une période redoutée car elle s'accompagne de conséquences néfastes pour l'activité économique. On peut en distinguer quatre grands types :

1. La période de récession est caractérisée le plus souvent par une chute des achats de biens de consommation, mais moins violente que la baisse de l'investissement (raison pour laquelle on dit souvent que c'est "l'industrie qui fait le cycle"). Les entreprises réagissent et baissent leur production faisant ainsi chuter le PIB réel.

2. Les entreprises freinant leur production, leur demande de travail baisse logiquement. Cela se traduit tout d'abord par un amoindrissement du temps de travail hebdomadaire, puis par des licenciements et donc (toutes choses égales par ailleurs) par une augmentation du chômage. Il faut préciser que tous les pays ne réagissent pas de la même manière ni avec la même rapidité : tout dépend ici de la rigidité des salaires réels et nominaux, de la flexibilité du marché du travail et de la mobilité (géographique, sectorielle) des travailleurs. A noter que les coûts des récessions sont bien plus élevés chez les travailleurs non qualifiés que chez les travailleurs qualifiés.

3. Le PIB baissant, la hausse des prix tend à se ralentir. Par exemple, la baisse de production des entreprises entraîne une baisse de la demande en matières premières, ce qui fait chuter leur cours. Plus généralement, c'est l'ensemble des actifs (boursiers, immobiliers…) qui connaît une chute ("bear market", l'opposé du "bull market" des périodes fastes sur les marchés boursiers), du fait de la contraction des perspectives de profits, lorsque ce n'est pas cette baisse du prix des actifs qui provoque la récession (cf. les Etats-Unis après octobre 1929, ou le Japon des années 1990). En ce qui concerne les salaires réels, ceux-ci ne baissent presque jamais puisque l'ajustement se fait généralement par le nombre d'emplois, mais ils auront tendance à croître moins vite ; d'où des tensions sociales en cas de récession de longue durée.

4. La récession fait ainsi figure d'engrenage infernal ou de cercle vicieux qui ne prend fin qu'une fois le "creux" atteint pour donner naissance à une nouvelle phase d'expansion, du moins si l'on croit à la présence de mécanismes correcteurs ou à une "force de rappel" ; sinon, le mouvement de l'activité n'est pas homéostatique, l'économie n'étant pas une branche de la physique. Joseph Schumpeter et d'autres économistes ont insisté sur le caractère régulier, indispensable et/ou inévitable de la récession (et de ses conséquences) pour créer l'environnement nécessaire au décollage d'une période de croissance soutenue tirant vers le haut l'activité économique. On retrouvait souvent cette vision à la fois fataliste et optimiste du cycle avant la Grande Dépression des années 1930 (la dépression étant un terme non-économique qui peut signifier "récession profonde que les autorités n'ont pas les moyens d'arrêter"), qui a profondément changé la façon de percevoir ces épisodes de panne économique.
Depuis la Grande dépression et depuis Keynes, les économistes considèrent généralement que les cycles d'affaires sont coûteux en termes de bien-être pour les agents économiques et qu'ils peuvent être évités.

1. Les cycles d'affaires sont coûteux en bien-être

C'est un point de consensus entre les keynésiens et les monétaristes, un point qui sera remis en cause par Lucas et par les théoriciens des cycles d'affaires réels (RBC).

Une croissance interrompue par des périodes récessives plus courtes et moins prononcées qu'autrefois présente des avantages : elle est synonyme de moindres incertitudes sur l'avenir, au bénéfice de l'épargne et de l'investissement et donc de la croissance potentielle. Dans la plupart des modèles utilisés aujourd'hui, les fluctuations cycliques se traduisent par des pertes en bien-être pour les consommateurs et peuvent affecter aussi bien l'investissement (cf. le modèle d'investissement en incertitude de Dixit et Pindick), que les finances publiques ou l'emploi (chômage de réallocation, hypothèse d'hystérésis du taux de chômage).

Si l'on sait à peu près quand et comment commence une récession, on ne sait jamais jusqu'où elle peut aller, l'un des dangers les plus importants étant une spirale déflationniste suivie d'une "décennie perdue" (le Japon depuis 1990). C'est pourquoi une action prompte et massive des autorités, et en particulier de la Banque centrale, est considérée comme nécessaire. C'est Milton Friedman, par exemple, qui s'en prenait à cette vision de la récession comme "juste punition" après des années "folles".

2. Les cycles d'affaires peuvent être en partie "lissés" via les politiques économiques

L'utilisation de la politique économique pour lutter contre les cycles est l'un des trois piliers de l'intervention économique de l'Etat identifiés en 1959. Il s'agit de la fonction dite de stabilisation, à côté des fonctions d'allocation et de redistribution. Le policy-mix, mélange de politique budgétaire et de politique monétaire, en est l'instrument. Cette approche aboutit à moins de fatalisme face aux événements économiques.

On croyait que cet confiance dans les vertus stabilisatrices des politiques conjoncturelles s'était émoussée suite aux diverses politiques expansionnistes ou volontaristes des années 1960 et 1970, qui avaient entraîné dans la plupart des pays de l'OCDE des mouvements plus heurtés de l'activité (stop and go) et une hausse de l'inflation : il n'en est rien, semble-t-il, puisqu'à la fin du dernier cycle (fin des années 1990) il était de bon ton de célébrer la toute-puissance d'Alan Greenspan, patron de la réserve fédérale américaine, capable de prévenir tout retour de l'inflation et capable de faire atterrir l'économie américaine tout en douceur (soft landing). En tous cas, le tableau ci-dessous montre que, au moins pour les Etats-Unis, la stabilisation macroéconomique est une réalité.

Conclusion

Le tableau suivant donne une représentation très simplifiée de la pensée économique sur la question des coûts du cycle à travers deux critères (responsabilité, gravité) : pour les nouveaux classiques (Lucas, Prescott…) les coûts en bien être du cycle sont très faibles ; pour les monétaristes, les autorités sont responsables (mauvais dosage de politique monétaire, oubli du time-lag…) et les conséquences peuvent être désastreuses ; il en va tout autrement pour l'école keynésienne, d'ou des préconisations très différentes en termes de politiques publiques.

A lire

Rapports

  • Barlevy (2004), “The Cost of Business Cycles and the Benefits of Stabilization: A Survey”, NBER Working Paper n°10926.
  • Burns et Mitchell (1946), “Measuring Business Cycles”, NBER
  • Chatterjee (2001), "Why Does Countercyclical Monetary Policy Matter?», Business Review, Federal Reserve Bank of Philadelphia, 2e trimestre.
  • Dixit et Pindick (1994), "Investment under Uncertainty", Princeton University Press.
  • Mankiw Gregory (2001), "U.S. Monetary Policy During the 1990s", NBER Working Paper n°8471, septembre.
  • Romer (1999), "Changes in Business Cycles: Evidence and Explanations", NBER working paper n°6948.

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